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Le blog de Jean-Marie Renoir
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28 novembre 2008

Mes premiers souvenirs.( Salins-les-Bains 1926-1928)

Je dois avoir 18 mois, 2 ans peut-être. Je suis couchée sur le dos, la tête à la renverse, sur les genoux de maman. Je vois la cuisine à l'envers. Maman me tient les jambes en l'air, par les pieds, et je sens le gant de toilette humide, chaud et savoureux me frotter énergiquement les fesses, puis le bas-ventre. Je trouve cela agréable.Puis elle me frictionne vivement avec une serviette chaude...
Plus tard, c'est le soir, après le souper, nous restons ensemble autour de la table, sous la lampe. Maman nous a donné comme dessert, à ma soeur et a moi, des petits beurres et de la confiture. Je croque les dents du biscuit aux quatre coins, puis les petites dents du bord. Et ainsi de suite en tournant autour de ce qui reste de gâteau. Je me sens fatiguée. Je vais sur les genoux de ma mère, la tête contre sa poitrine où j'entends résonner sa voix. Je sens l'odeur de sa peau près de son cou, je suis bien. Elle parle avec papa, et ma grande soeur.

Dans la Torpédo de Mr Gadriot.

Je dois avoir deux ans. Je me vois dans une grande voiture. Je suis assise sur un siège en moleskine noire. Au dessus de moi, je vois et j'entends vibrer la capote de toile noire, et les vitres en mica jaunâtre. On ne distingue pas grand'chose et je ne suis pas très rassurée. Je sens mon col de mouflon blanc me chatouiller le menton.

 

Le soir.

Le soir, avant de me déshabiller pour aller au lit, je vais quelques fois manger mon petit-beurre dans la caisse à bois ( toutes les familles du Jura se chauffent au bois, et rangent les bûches dans une caisse à couvercle, dans un coin de la cuisine.) J'aime cette odeur de bois sec, mais l'écorce me gratte les cuises. Ma soeur vient près de moi, à côté de la caisse. Il fait un peu sombre dans ce coin de la cuisine, mais je suis bien...
Souvent le matin, au réveil, j'entends maman ou papa rouspéter contre les souris qui ont fait des dégâts dans le placard, au fond de la corbeille à linge. Papa a tendu une souricière la veille au soir. Si, au matin, une souris est prise , je le supplie de ne pas noyer cette jolie petite bête avant que je sois partie pour l'école.Tout en déjeunant, j'observe son joli nez rose et pointu, qu'elle enfonce dans chaque trou du grillage, les yeux  comme de brillantes perles noires, ses fines moustaches et son pelage soyeux. Je touche le bout de sa queue qui traîne quelquefois hors de la petite cage...

Les jeudis.

Le jeudi, maman reste à la maison. Elle ne travaille pas. Elle fait beaucoup de ménage. Elle porte ne robe de chambre couleur bordeaux et couvre ses cheveux épais d'une charlotte de linon à volant. Ma soeur et moi, nous restons au lit plus longtemps pour lire un peu.Je suis fidèle aux contes de Perrault, puis plus tard, j'ai lu un peu le magasine " Mickey". Ma préférence va à Pim, Pam et Poum, et " la petite Annie". Je regarde longuement les gâteaux que la tante Pim met à refroidir sur le rebord de la fenêtre, dégoulinant de grème, de mousse au chocolat ou de coulis de fraise. J'envie aussi les sucettes énormes des quatre gamis, plus espiègles les uns que les autres, Pam, Poum, Adolf et Léna. J'ai un penchant pour le Capitaine , dont la grosse moustache noire et raide come une brosse, me rappelle celle du père Ozo...

Les contes d'Andersen! Ah, que j'ai pleuré en les lisant seule dans mon lit. Puis " Sans famille", les " voyages de Mirlinette", " Mademoiselle Mimi à Paris", les "Contes des cent et un matins"...

 

Les vacances.

Nous devons aller passer quelques semaines au Fied, chez la grand-mère, la mère de Maman. Mes parents n'ont pas encore d'auto.Il nous faut aller à la gare de Salins à pied, pour prendre le train. Quelle joie! Les valises sont bouclées, la mienne et celle de ma soeur sont en osier tressé. C'est joli, mais ça gratte quand elle frotte la jambe en marchant. Notre gare est petite. C'est un cul-de-sac ferroviaire: on ne va pas plus loin. Aussi, elle n'assure qu'un départ et une arrivée par jour pour les voyageurs, comme pour les marchandises. Les wagons sont en bois, les sièges-banquettes, comme des bancs de jardin, peints en marron. Nous nous installons, le chef de gare siffle, les portes claquent. Le train part lentement. Nous nous éloignons peu à peu des dernières maisons et de leurs jardinets, puis c'est la vallée de St Joseph, sorte de gorge au fond de laquelle serpente la route, le chemin de fer, et les eaux de la Furieuse. La fumée blanche passe en petits flocons devant la vitre du compartiment, et nous cache les branches des arbres et les rochers. Un petit tunnel, où j'ai un peu peur du noir, mais d'où nous sortons vite pour nous trouver sur le viaduc. Le vide, au dessous de nous, m'effraie un peu, mes parents sont souriants, nous n'avons rien à craindre.Quelques coups de sifflet de la locomotive à vapeur, nous indique que nous retrouvons la terre ferme, parmi les champs, les vignes et les vergers.

Mouchard! Mouchard! Tout le monde descend! Il faut prendre le train de Poligny, puis attendre la navette de Guillot, qui sillonne tout le plateau, pour amener les voyageurs à leurs villages. La guimbarde monte péniblement la côte. La route est poussièreuse, nous laissons un nuage blanc derrière nous. Petit à petit les rues, les toits, les clochers de Poligny s'éloignent. Nous sommes à Plasne. Encore trois kilomètres, et nous débarquons chez la grand'mère.

                              Lucette_1an

                                                          Lucette a 18 mois.

 

Marie_Louise_et_Octave_Buchin_1917

Marie-Louise et Octave Buchin, mariés le 2 mai 1910.

 

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